Elle s'était levée avant d'épousseter sa robe. Elle sentait l'herbe lui chatouiller les pieds alors qu'elle marchait. Elle était pieds nus, comme d'habitude, ayant abandonné ses chaussures quelque part à l'intérieur avant de sortir comme elle le faisait souvent. De toute façon on lui donnerait une autre paire plus tard, elle ne perdait rien. Elle préférait marcher pieds nus. Sentir le froid lui pincer les pieds, l'herbe, le sable les caresser, parfois même les morceaux de verre, quand il y en avait, transpercer lentement sa chair et y rester pour toujours car elle ne prenait jamais la peine de retirer les éclats. Elle savait qu'elle existait lorsqu'elle marchait pieds nus et sentait tout, absolument tout. C'était toujours mieux que d'être séparée du reste du monde par un vulgaire morceau de matière insignifiante. Avant, elle portait des chaussures parce que la société l'exigeait. Maintenant, elle n'avait plus à faire plaisir à personne à part elle-même, vu qu'elle allait mourir. On avait beau lui interdire de marcher pieds nus pour lui éviter d'attraper des maladies, elle s'en fichait et continuait d'enfreindre la règle.

Tout en rasant les murs, elle marchait lentement. Elle ne savait pas trop où elle allait, elle circulait juste librement et découvrait les environs, tant qu'elle le pouvait encore. Elle se souvint alors que l'institut mettait à la disposition de chaque malade une boîte aux lettres personnelle, et elle-même en avait une. Jusqu'ici, elle n'avait jamais pris la peine de l'ouvrir. Personne ne lui enverrait de lettre, ça elle le savait. Elle n'avait pas d'amis, personne qui voudrait prendre de ses nouvelles ou lui envoyer une lettre pour quelconque raison, à part sa tante. Mais elle doutait tout de même fort que cette dernière pense à lui écrire vu que, juste avant son départ, elle lui avait elle-même demandé de "l'oublier" en quelques sortes. Mais bon, elle ne perdait rien à vérifier. Même pas du temps, vu qu'elle n'avait rien de prévu. Elle décida donc d'aller vérifier sa boîte aux lettres.

C'est ainsi qu'elle se traîna vers la salle aux lettres, même si elle n'avait aucune idée d'où elle se trouvait. Refusant bien évidemment de demander à qui que ce soit, elle décida de chercher d'elle-même et mit assez de temps à tomber sur la bonne salle. De toute façon elle n'avait pas grand chose à faire alors elle pouvait prendre tout le temps qu'elle pouvait. Une fois arrivée, elle se dirigea immédiatement vers les boîtes aux lettres et chercha lentement celle qui portait son nom. Elle ne se hâtait pas trop, puisque de toute façon elle était quasiment sûre qu'il n'y aurait rien dedans, et elle n'avait aucune envie d'avoir ne serait-ce qu'une once de déception. Mais, une fois la boîte ouverte, elle constata à sa plus grande surprise qu'elle n'était pas vide. En effet, un papier soigneusement plié y trônait, seul, sur le métal froid de la boîte. Avec curiosité, elle attrapa la lettre et, sans même chercher à en connaître l'expéditeur, se mit à la lire à voix haute, pour être sûre d'en capturer le moindre mot, la moindre résonance.

Sa Rang s'arrêta en plein milieu de la lettre. Elle continua cependant de la lire dans sa tête jusqu'à la fin, après quoi elle lâcha un long soupir. C'était complètement ridicule, insensé, stupide. Pourquoi voudrait-on lui écrire alors qu'on ne la connaissait même pas ? D'autant que c'était pour lui dire des choses qui ne l'intéressaient pas le moins du monde et ne l'intéresserait jamais, pas même après sa mort. Elle grogna et, sans plus attendre, tout juste après avoir attrapé du coin de l’œil un nom inscrit à la fin, déchira le papier en morceaux avant de les jeter dans l'air. Elle les observa atterrir lentement et tristement sur le sol de la salle. Tant pis si elle salissait le coin, il y avait des gens payés pour passer après elle. Elle sortit alors immédiatement de la salle et longea le couloir lentement, rasant encore une fois les murs, repensant à la lettre qu'elle venait de lire et qu'elle trouvait toujours aussi stupide.

« Psh... Mei Fen ! » se lança-t-elle à elle-même, crachant ce prénom avec dégoût.

C'est là qu'elle vit une inconnue qui marchait devant elle se retourner. Elle répondait très probablement au prénom de Mei Fen, sinon elle ne se serait pas retournée.
Sa Rang la fixa pendant un instant avant de s'avancer vers elle d'un pas décidé.

« C'est toi qui m'a écrit cette c*nnerie ?! » lui demanda-t-elle d'un ton presque agressif.